Mercredi 24 avril 2020 après-midi, pendant quatre heures, s’est déroulé un webinaire sur une question d’une actualité brûlante dans la situation si particulière que nous connaissons : « Aménagements cyclables temporaires et confinement : quelles opportunités ? »
Très bien organisé par le CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), l’agence de l’Etat en appui aux politiques publiques dans les domaine de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ce webinaire a connu un incroyable succès. En effet, le maximum des 500 connections fut atteint dès le début de la visioconférence.
Les intervenants
Les intervenants étaient très représentatifs de la cyclosphère française : experts et chercheurs des agences de l’État que sont l’ADEME et le CEREMA, techniciens de collectivités locales (Grenoble, Montpellier, Paris, Montreuil, soit quatre des premières villes a avoir annoncé leur intention de mettre en œuvre des aménagements cyclables temporaires), universitaires et représentants des associations qui œuvrent au développement du vélo comme mode de déplacement (FUB).
Le programme
Le programme du webinaire s’articulait en quatre parties intitulées :
- « De l’urgence d’agir » : les intervenants ont « planté le décor » en décrivant les contextes français et étrangers en matière d’utilisation du vélo pendant le confinement et d’aménagements piétons ou cyclables temporaires ;
- « Quelles solutions techniques ? » : le CEREMA a exposé ces préconisations sur la meilleure manière de mettre en œuvre des aménagements cyclables temporaires ;
- « Les aménagements cyclables au service de la stratégie vélo post confinement » : techniciens de collectivités locales et représentants des associations se sont succédés pour expliquer ce qu’ils avaient proposé à leurs élus en matière d’aménagements cyclables temporaires ;
- « Vers la fin des 4 voies en ville ? » : comme souvent, l’universitaire Frédéric Héran nous a proposé de prendre de la hauteur et du recul pour imaginer (bientôt ?) la fin des 2 X 2 voies en ville.
« De l’urgence d’agir »
Pierre Serne, président du Club des villes et territoires cyclables
En toute logique, Pierre Serne a ouvert la conférence. En effet, il a été chargé, en tant que président du Club des villes et territoires cyclables, par Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, « de recueillir toutes manifestations d’intérêt et initiatives des collectivités volontaires pouvant rapidement être expérimentées en matière d’aménagements cyclables temporaires, en coordination avec les services de l’Etat et les acteurs associatifs en faveur du vélo. » Le Club a ainsi lancé, sous forme de questionnaire, une grande enquête en ligne auprès des collectivités locales afin de centraliser les manifestations d’intérêt éventuel – ainsi que les freins, obstacles d’ordre juridique ou administratif – à la mise en place de ces aménagements cyclables temporaires.
Un court questionnaire est disponible à destination des collectivités territoriales : pour y répondre, c’est ici !
Pierre Serne a retracé le contexte dans lequel vont se mettre en place ces aménagements cyclables temporaires qui se caractériseront :
- d’abord par une absence de reprise normale de l’activité des transports en commun avant un bon moment, notamment en raison des difficultés psychologiques de nos concitoyens à se déplacer dans un espace clos à proximité immédiate d’autres usagers,
- ensuite par moins de déplacements journaliers, ce que l’on appelle aussi la « démobilité« . Le télétravail et la réduction du nombre de trajets à ceux jugés essentiels marqueront sûrement la période à venir.
Le président du Club des villes et territoires cyclables a par ailleurs élargi la question des aménagements temporaires aux piétons et aux engins de déplacement personnel (EDP, catégorie dans laquelle on trouve la trottinette à moteur, les patrouilleurs stables, le gyropode, les e-skates ou skateboards à moteur / électriques, les monoroues, les rollers électriques, etc.), d’une part et au fort enjeu du vélo en milieu rural et dans le périurbain d’autre part, d’où l’importance d’imaginer également des aménagements cyclables temporaires sur les routes départementales ou nationales.
Il a en outre insisté sur « la continuité et la cohérence des aménagements et des itinéraires cyclables : c’est une question clef et un enjeu fort car nous savons que la discontinuité est un des principaux freins à la pratique du vélo. »
Dans un appel du pied très clair aux ateliers vélos participatifs et aux vélo-écoles, Pierre Serne a souligné l’importance de la disponibilité des vélos en état de rouler et de la formation et l’apprentissage de la mobilité à vélo des « nouveaux cyclistes », c’est-à-dire toutes celles et ceux qui vont se remettre en selle après le confinement.
Après avoir demandé à l’État de la cohérence dans ses messages, le président du Club des villes et territoires cyclables a conclu son intervention par une annonce : « Le travail du Club se déroule aujourd’hui dans l’urgence car nous avons un objectif : pouvoir publier début mai un guide de choses assez simples à mettre en œuvre par les collectivités locales ».
Agnès Laszczyk, vice-présidente de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB)
Agnès Laszczyk a souligné les actions de la FUB depuis le début du confinement : la lutte contre la verbalisation abusive et contre la fermeture de voies vertes et autres aménagements cyclables par les services de l’État. La FUB a ainsi déposé un référé liberté le 20 avril 2020 auprès du Conseil d’Etat afin de faire reconnaître le vélo comme moyen de transports à part entière.
La FUB s’appuie sur le travail de terrain de son réseau de plus 300 associations membres, à l’image de ce qu’a réalisé le Collectif vélo Île-de-France dans le Val-de-Marne (94).
Elle recommande aux collectivités locales de privilégier les pistes cyclables unidirectionnelles sur des axes prioritaires domicile-travail pour « sécuriser et donner plus de place aux cyclistes sans prendre de place aux piétons. »
Enfin, la FUB prévoit l’ajout d’une couche supplémentaire (outre les points noirs) pour indiquer les tronçons candidats aux aménagements cyclables temporaires sur la carte créée à l’occasion du dernier Baromètre Parlons vélo des villes cyclables : carto.parlons-velo.fr
Elodie Trauchessec, Animatrice Mobilités Émergentes, Ademe
L’Ademe, par la voix d’Elodie Trauchessec, a élargi la focale en présentant des exemples internationaux et français d’aménagements cyclables temporaires.
- Bogota a commencé à créer des pistes cyclables temporaires… avant même le début du confinement, lors de dimanches sans voiture. Lorsque la pandémie a frappé la Colombie, ces pistes cyclables ont tout simplement été laissées en place pendant le confinement ! Aujourd’hui, dans la capitale colombienne, outre les 550 km de pistes cyclables existantes, il existe ainsi 35 km de pistes cyclables temporaires.
- Berlin semble le modèle européen à suivre en matière d’aménagements cyclables temporaires. La mise en place fut graduelle (avec 13 km à la date du 20 avril) et n’a d’abord concerné qu’un seul quartier pilote, celui du Kreuzberg.
- Oakland, Etats-Unis d’Amérique : le 11/04, la ville a dévoilé un plan de 120 km de rues apaisées. Les riverains peuvent toujours accéder à leur rue mais le trafic de transit y est supprimé. Ce plan préexistait à la pandémie de Covid-19. Son déploiement sera progressif. Ainsi, à la date du 18 avril 2020, 20 % du plan a été mis en oeuvre. « Oakland, par l’implication et la participation de la population, représente l’essence même de la démarche d’urbanisme tactique ».
- New Westminster, Canada, a supprimé une voie motorisée pour la rendre aux piétions.
- A Bruxelles, l’ensemble du pentagone de la ville va passer en « zone de rencontre ». La vitesse des véhicules y sera donc limitée à 20 km/h.
- En France, 15 collectivités locales ont décidé de s’engager dans une démarche d’aménagements cyclables temporaires (à la date du 22 avril 2020), dont un EPCI, le Grand Lyon et 2 départements, dont le Val-de-Marne évoqué ci-dessus.
L’Ademe recommande de ne pas oublier les piétons dans les aménagements provisoires et d’avoir le courage politique de prendre de la place sur le stationnement automobile au profit des piétons, ce qui aura pour conséquence de favoriser le commerce de proximité.
Elodie Trauchessec délivre quelques messages clefs :
- les aménagements cyclables temporaires devront être réversibles,
- ils seront plus faciles à mettre en œuvre lorsqu’il existe un historique, c’est-à-dire lorsqu’un plan vélo ou un plan de mobilité est à l’étude ou est en cours de réalisation sur le territoire.
- l’Ademe appelle à « traduire en actes les annonces faites par les collectivités locales ces derniers jours »
Enfin, elle évoque la question que tous se posent : « Comment pérenniser ce qui ne sera demain que temporaire ? »
Questions de la salle
Parmi les questions posées par la « salle », la première est celle de la réglementation permettant de créer un aménagement cyclable temporaire. La réponse tient en quelques mots : qu’elle soit temporaire ou non, la réalisation d’un aménagement cyclable est soumise à la même procédure : un avis suivi d’un arrêté municipal, sauf cas particuliers, comme les rues accueillant des voies de tramway ou les « sites patrimoniaux remarquables » (périmètre Architecte des Bâtiments de France, ABF). Le Club des villes et territoires cyclables essaye de fournir un mode d’emploi clair pour les collectivités désireuses de mettre en œuvre des aménagements cyclables temporaires.
« Quelles solutions techniques ? »
Marion Ailloud et Thomas Jouannot du Cerema ont traité la question suivante : « Comment s’y prendre lorsque l’on est une collectivité locale qui souhaite réaliser des aménagements cyclables temporaires ? » Selon eux, plusieurs leviers d’action sont à leur disposition :
- la réaffectation des espaces,
- la réduction de la vitesse des véhicules motorisés
- et l’information des citoyens.
L’espace public, occupé en France à 80 % par les véhicules motorisés, peut être mieux partagé :
- d’abord réduire le nombre de voies motorisées. Le cas le plus simple est celui d’une 2*2 voies qui devient une 2*1 voie pour les motorisés afin de créer deux pistes cyclables unidirectionnelles en lieu et place des anciennes voies de circulation les plus à droite dans le sens de la circulation, (voir schéma proposé par le Cerema) ;
- ensuite élargir les aménagements cyclables existants. Une bande cyclable peut ainsi passer de 1,50 à 2,50 m. de largeur en réduisant d’autant la largeur des voies dédiées aux motorisés, afin de maintenir la distanciation physique de 2,50 m. qui est la largueur préconisée pour les aménagements cyclables unidirectionnels ;
- agir sur le stationnement motorisé dans le sens d’une diminution de l’espace dédié à cet usage ;
- mettre en place du stationnement vélo amovible ;
- enfin, adapter les arrêts de bus, bien fait à Paris et Montreuil.
Un autre axe fondamental pour mettre en œuvre des aménagements cyclables sécurisés est de modifier le plan de circulation : gestion des sens de circulation, gestion des priorités et des carrefours, mesures de restrictions de la circulation, limitation des vitesses, etc. L’exemple donné fut celui de la ville de Gand, désormais bien connue de nos lecteurs.
Par ailleurs, une boîte à outils de signalisation d’aménagement cyclable temporaire : balise d’alignement (50 à 100 € TTC), séparateur modulaire de voie, balise de guidage (30 à 40 € TTC) et encore bloc béton si trafic lourd, rapide, fort volume (attention à la largeur au sol, jusqu’à 60 cm.) Des éléments de mobilier urbain sont également utilisables par les collectivités locales.
La modération de la vitesse est un autre outil important pour favoriser le développement de l’usage du vélo. Trois options sont alors possibles, toutes bien connues des aménageurs : l’aire piétonne, la zone de rencontre et la zone 30.
Les moyens d’action pour donner plus de place aux piétons peuvent être l’élargissement du trottoir, par exemple par suppression d’une voie de circulation motorisée. « Il est également possible de s’inspirer des pratiques en matière de chantiers urbains, où des couloirs piétons temporaires sont créés grâce à des barrières métalliques ou des balises ». Rappelons que la réglementation française en matière d’accessibilité prévoit une largeur minimale de trottoir d’1,40 m.
La conclusion du Cerema abordait la question fondamentale de la bonne communication qui devra être réalisée autour de ces aménagements temporaires, cyclables comme piétons : « Pour que ces aménagements soient efficaces et fonctionnent, il faut qu’il y ait une information fiable et pertinente de tous les usagers de la rue. »
« Les aménagements cyclables au service de la stratégie vélo post confinement »
Rivo Vasta, chargé de mission « aménagements cyclables » au sein du Collectif vélo Île-de-France et rédacteur du Guide des aménagements cyclables édité par l’association Paris en Selle, est revenu sur le RER Vélo proposé par le Collectif vélo Île-de-France. Il s’agit d’un réseau à au niveau de service qui a suscité l’adhésion de la région Île-de-France (article Le Parisien). Ce RER Vélo comprend quatre types d’aménagements cyclables : la vélorue (rue avec un fort trafic vélo et avec un trafic motorisé strictement local), la voie verte, la piste cyclable unidirectionnelle et la piste cyclable bidirectionnelle.
Or, ne sont envisageables pour des aménagements cyclables temporaires ni les voies vertes, ni les reconfigurations complètes de façade à façade, ni un plan de circulation improvisé (sauf s’il en existe déjà un dans les tiroirs). Cependant si un plan de circulation a déjà été réalisé pour travaux, il est alors possible de le réutiliser.
Dès lors, les seuls aménagements cyclables temporaires les plus simples à mettre en œuvre sont la piste cyclable unidirectionnelle et la piste cyclable bidirectionnelle.
Selon Rivo Vasta, les pistes cyclables temporaires sont plus ou moins faciles à insérer en fonction de la largeur de voirie. En effet, si la largeur est supérieure ou égale à 10 m., cela ne représente aucun problème. En revanche, si la voirie est inférieure à 9 m. alors il devient compliqué d’insérer des pistes cyclables. Le Collectif vélo Île-de-France incite chaque association pro-vélo à élaborer ses propres coupes de voirie grâce au logiciel libre Streetmix, « outil de design pour concevoir, modifier et partager votre rue ».
Et Rivo Vasta de conclure sur l’intérêt de supprimer des files de stationnement motorisé « en encoche » lorsque ces places de stationnement sont séparées par des arbres. Certes, la place récupérée ne pourra pas permettre la création d’une piste cyclable par exemple, sauf à imaginer couper ces arbres, mais il n’est plus question alors d’aménagements cyclables temporaires. Par contre, rendre cet espace aux piétons et donc élargir le trottoir est particulièrement intéressant afin d’assurer le respect de la distanciation physique prônée par les autorités en cette période de crise sanitaire aiguë.
L’exemple de quatre collectivités locales
Quatre collectivités locales sont intervenues pour partager leurs réflexions et décrire les actions qui commencent à se mettre en place un peu partout en France.
Simon Labouret, Grenoble Alpes Métropole
Simon Labouret, chargé de mission vélo, a présenté le plan vélo qui est mis en œuvre par la collectivité Grenoble Alpes Métropole à l’occasion du déconfinement. Son objectif, ambitieux, est d’assurer une alternative cyclable attractive pour capter 100 000 personnes jusqu’alors utilisateurs des transports en commun grâce à deux points clefs : la sécurisation et le guidage de ces nouveaux cyclistes.
La démarche adoptée identifie trois niveaux de difficultés dans la réalisation d’un aménagement cyclable temporaire :
- le niveau 1 qui nécessite une mise en œuvre simple car l’incidence de l’aménagement est très limitée
- le niveau 2 lorsque l’aménagement a une incidence notable sur le plan de circulation, la gestion des carrefours ou le flux automobile
- le niveau 3 est réservé aux aménagements les plus complexes, notamment parce qu’ils nécessitent une maîtrise d’œuvre pluridisciplinaire et qu’ils ont une incidence forte sur le flux automobile, le réseau des transports en commun ou le stationnement.
Le technicien prévoit déjà qu’un des problèmes les plus délicats à résoudre sera celui des carrefours.
Ce plan se verra doter d’un volet « communication » et d’un volet « services ».
Les principes du plan d’actions sont : la desserte des établissements scolaires, l’étude d’un nouveau plan de circulation, une logique d’observatoire, pour savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et une bonne articulation entre les volets piétons et vélos.
Les propositions de l’association locale, l’ADTC (association pour le développement des transports en commun, voies cyclables et piétonnes dans la région grenobloise), ont bien été prises en compte par la métropole de Grenoble au moment d’élaborer ce plan.
Charlotte Guth, ville de Paris
Charlotte Guth, cheffe de la mission « Aménagements Cyclables » à la Direction de la Voirie et des Déplacements, présente la démarche de la ville de Paris en matière d’aménagements cyclables temporaires.
« Comment permettre aux gens de se déplacer en période de pandémie après le confinement ? », telle était la question de départ pour les services de la ville. Le précédent des grèves à cheval entre 2019 et 2020 a permis d’avoir quelques éléments de réponses. Tout le monde se souvient de l’explosion du nombre de cyclistes à ce moment-là.
Les services de la ville de Paris ont réalisé une étude du cas du report modal des transports en commun vers la voiture en se fondant sur l’emblématique ligne 13 du métro parisien, une des plus saturée du réseau RATP. Il en ressort que si seulement 5 % des voyageurs abandonnent le métro pour la voiture individuelle, il faudrait 4 voies motorisées supplémentaires pour faire passer tous ces véhicules !
Toujours dans l’esprit du partage de l’espace public, le compteur de la piste cyclable située boulevard de Sébastopol, axe nord-sud qui traverse le centre de Paris dénombre le passage de 1100 vélos/heure en lieu et place de 800 véhicules/heure sur une des voies motorisées adjacentes, soit 880 personnes. Les chiffres ne souffrent ici aucune discussion : une piste cyclable « débite » plus de personnes qu’une file de véhicules motorisés. [4 à 5 fois plus, au minimum]
Toute la réflexion de la ville a alors tourné autour de la question suivante : « comment faire en sorte que les personnes choisissent le vélo plutôt que la voiture ? » Ainsi, les orientations générales de la ville ont été de favoriser les pistes unidirectionnelles plutôt que d’autres types d’aménagements, tout en conservant les bandes de stationnement car à Paris elles ont d’autres usages que le stationnement résidentiel : livraisons (considérées comme indispensables pour la ville de Paris), places handicapées, etc.
Medy Sejai, ville de Montreuil
La ville de Montreuil (105 000 hab. / 9000 ha.) s’exprimait par la voix de Medy Sejai, directeur du service « Espace public et mobilité ».
Les objectifs de la ville en matière de mobilité pour la période de l’après confinement sont au nombre de 5 :
- éviter un retour massif à la voiture,
- faire de la place aux piétons et aux vélos et améliorer leur sécurité
- ne pas perturber le plan de circulation, sauf marginalement,
- mettre en œuvre des interventions rapides et peu chères,
- et organiser la concertation sous forme de bilan a posteriori.
Parmi les moyens que Montreuil a trouvé pour réaliser des pistes cyclables temporaires tout en assurant une bonne qualité de service du réseau de transports en commun, une plateforme provisoire d’arrêt de bus (fabricant espagnol) permet d’assurer la continuité des pistes cyclables tout en permettant aux bus d’embarquer ou de débarquer les voyageurs dans des conditions de sécurité et d’accessibilité satisfaisantes. La piste cyclable, unidirectionnelle en ce cas, passe alors entre l’arrêt de bus et le trottoir.
Les autres moyens utilisés sont :
- de la signalétique,
- des marquages au sol,
- du mobilier urbain spitté,
- et des feux provisoires de chantier ou des cédez-le-passage,
La ville de Montreuil est toujours en recherche de solutions pour mettre en selle plus de cyclistes. Pour cela, elle travaille avec les associations locales pour adapter les aménagements aux besoins tout en s’assurant de la réversibilité de chaque installation si cela s’avère nécessaire.
Le contexte local favorise la réalisation de ces objectifs. En effet, la ville a commencé à mettre en œuvre un plan vélo 2018-2022 de 11 km de pistes cyclables (de couleur bleue!) et de 1200 places de stationnement vélo. Les aménagements cyclables temporaires de Montreuil, au moins 6 km, seront plus qualitatifs que dans bien des villes car ils seront installés principalement sur des chaussées qui accueilleront par la suite les pistes cyclables prévues dans le plan vélo 2018-2022 de la commune.
Sophie Bienvenu et Thomas Goumont, Montpellier Méditerranée Métropole
Dans le cas de Montpellier Méditerranée Métropole, c’est l’association FUB locale, l’emblématique Vélocité Grand Montpellier (qui a vu le nombre de ses adhérents multiplié par 9 en un peu plus d’un an !) qui a pris les devants et sollicité la collectivité. Sophie Bienvenu et Thomas Goumont, agents de la métropole, rendent compte de la réunion technique qui s’est alors tenue avec Vélocité : « Le plus important était de réagir très vite car la circulation commençait à reprendre doucement ». Trois priorités se dessinent rapidement en matière d’aménagements cyclables temporaires : le pont de Castelnau, entre Montpellier et Castelnau, avec une inauguration prévue le 24 avril, l’avenue Charles Flahault et le contournement du centre ville.
« 15 km de linéaire cyclable sera livré dans les 3 prochaines semaines », soit d’ici au 11 mai « et le dispositif sera évalué », ajoutent les techniciens locaux.
Bien qu’ayant fait le choix de ne pas traiter les intersections, la métropole de Montpellier souhaite faire évoluer son plan de circulation en supprimant le trafic de transit et « protéger ainsi l’intérieur des quartiers ». La forme juridique retenue est celle de l’arrêté municipal temporaire de restriction de circulation et/ou de stationnement.
Enfin, la question du stationnement vélo, temporaire ou définitif, a déjà été évoquée avec Vélocité. Elle est importante pour réussir la transition vers une ville plus cyclable.
Questions de la salle
Suite aux questions posées sur le fil de discussion du webinaire, les débats ont tourné autour des sujets suivants : (modération : Flavien Lopez, Cerema)
- le rôle des ateliers vélos et de l’espace de stockage nécessaire dont ceux-ci ont besoin pour remplir leurs missions, question soulevée par Nicolas Mercat,
- le coût en matériel de chantier pour réaliser des aménagements cyclables temporaires,
- l’incitation indirecte à la pratique du vélo que peut constituer un marquage au sol qui indique non seulement une direction, mais aussi une durée estimée du déplacement en minutes. C’est que qu’envisage la ville de Montreuil. [On pense au Cronovélo, le réseau express vélo de la métropole de Grenoble. Un outil de communication complémentaire aux aménagements sont les cartes des temps de trajets à vélo. Voir celles réalisées par le Collectif Cycliste 37 ici : https://www.cc37.org/amenagements/cartes-des-temps-de-trajets-velo/ NDLR]
- la suppression du stationnement. Ainsi, à Montreuil, le choix a été fait de donner la priorité aux aménagements sans supprimer de places de stationnement (alors même que les stationnements en sous-sol sont sous-utilisés, comme à Paris),
- les zones de trafic limité, qui restent à créer en France.
« Vers la fin des 4 voies en ville ? »
Fidèle à son habitude de prendre de la hauteur, Frédéric Héran, économiste et urbaniste, maître de conférences à l’Université de Lille 1, imagine déjà la suite : la fin du stationnement sur voirie, expérimentée par Copenhague, et la suppression du transit dans les zones 30. Il pose enfin la question de la fin des 4 voies en ville.
Ces 2*2 voies dédiées quasi exclusivement aux véhicules motorisés ont plusieurs origines : soit elles proviennent d’élargissements de boulevards réalisés dans les années 50 et suivantes, soit elles ont été aménagées dans les villes nouvelles créées durant la période dite des Trente Glorieuses, comme Cergy ou Saint-Quentin-en-Yvelines, soit ce sont des voies rapides.
Très dangereuses pour les non-motorisés, ces 4 voies constituent des coupures urbaines (ce que les Anglo-saxons appellent des « barrières de trafic ».) pour les piétons et les cyclistes. Il convient donc de les faire disparaître du paysage urbain. Et le chercheur de citer des exemples de 2*2 voies devenues 2*1 voies avec pistes cyclables :
- Nantes : route de Sainte-Luce (1995),
- Nantes encore : boulevard de Sarrebruck (1998),
- Paris 11ème : boulevard Voltaire (2019),
- Paris 14ème : rue Froidevaux (2018),
- Strasbourg, avenue des Vosges, qui a enregistré une réduction du trafic motorisé (de 21 000 à 18 000 véhicules/jour.)
Conclusion
Le webinaire s’est terminé sur une question épineuse : que faire des collectivités locales qui ne veulent pas réaliser d’aménagements cyclables temporaires ?
Pierre Serne a proposé une réponse en deux temps : il convient d’abord de travailler sur l’incitation des collectivités locales à faire des aménagements cyclables temporaires, tout en sachant que l’Etat pourrait contraindre les collectivités locales à agir en la matière.
Frédéric Héran parie lui sur un phénomène d’émulation et de concurrence entre collectivités locales, l’engouement pour le vélo pouvant difficilement dépasser +15 % / an.
« Il faut garder deux choses importantes à l’esprit : l’apprentissage du vélo est une expérience à acquérir et le vélo est un système. »
Pour en savoir plus
- Retrouvez l’intégralité du webinaire sur le site du Cerema.
- Programme du webinaire.
- Présentation de la FUB.
- Aménagements cyclables temporaires – Cerema.
- Aménagements de la ville de Paris.
- Aménagements de la ville de Montreuil.
- Exemples à l’étranger – Ademe.
- Vers la fin des quatre voies en ville ? – Article dans Vélocité – F. Héran.
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